Brevet 2012 - Corrigé de l'épreuve de français

Le texte - Les questions - La réécriture - La dictée - La rédaction - Le sujet sans le corrigé

Le texte

Les vauriens du pays entouraient un petit Savoyard qui tournait la manivelle de son orgue de Sainte-Croix, et les mioches avaient peur de la marmotte émoustillée qui venait de mordre l'un d'eux. Un chien noir pissait contre l'une des quatre bornes qui encadraient la fontaine polychrome. Les derniers rayons du jour éclairaient la façade historiée[1] des maisons. Les fumées montaient tout droit dans l'air pur du soir. Une carriole grinçait au loin dans la plaine.

Ces paisibles campagnards bâlois[2] furent tout à coup mis en émoi par l'arrivée d'un étranger. Même en plein jour, un étranger est quelque chose de rare dans ce petit village de Rünenberg; mais que dire d'un étranger qui s'amène à une heure indue, le soir, si tard, juste avant le coucher du soleil ? Le chien noir resta la patte en l'air et les vieilles femmes laissèrent choir leur ouvrage. L'étranger venait de déboucher par la route de Soleure. Les enfants s'étaient d'abord portés à sa rencontre, puis ils s'étaient arrêtés, indécis. Quant au groupe des buveurs, « Au Sauvage », ils avaient cessé de boire et observaient l'étranger par en dessous. Celui-ci s'était arrêté à la première maison du pays et avait demandé qu'on veuille bien lui indiquer l'habitation du syndic de la commune. Le vieux Buser, à qui il s'adressait, lui tourna le dos et, tirant son petit- fils Hans par l’oreille, lui dit de conduire l'étranger chez le syndic. Puis il se remit à bourrer sa pipe, tout en suivant du coin de l’œil l'étranger qui s'éloignait à longues enjambées derrière l'enfant trottinant.

On vit l'étranger pénétrer chez le syndic.

Les villageois avaient eu le temps de le détailler au passage. C'était un homme grand, maigre, au visage prématurément flétri. D'étranges cheveux d'un jaune filasse sortaient de dessous un chapeau à boucle d'argent. Ses souliers étaient cloutés. Il avait une grosse épine à la main.

Et les commentaires d'aller bon train. « Ces étrangers, ils ne saluent personne » disait Buhri, l'aubergiste, les deux mains croisées sur son énorme bedaine. « Moi, je vous dis qu'il vient de la ville », disait le vieux Siebenhaar qui autrefois avait été soldat en France ; et il se mit à conter une fois de plus les choses curieuses et les gens extravagants qu'il avait vus chez les Welches. Les jeunes filles avaient surtout remarqué la coupe raide de la redingote et le faux col à hautes pointes qui sciait le bas des oreilles; elles potinaient à voix basse, rougissantes, émues. Les gars, eux, faisaient un groupe menaçant auprès de la fontaine; ils attendaient les événements, prêts à intervenir.

[1] Façade historiée : façade décorée de scènes avec des personnages
[2] Bâlois : de la région de Bâle, ville Suisse, comme Rünenberg et Soleure plus loin dans le texte
[3] Le syndic de la commune : le maire de la commune
[4] Épine : bâton
[5] Les Welches : les Français


Les questions (15 points)

I. Une campagne paisible (4,5 points)

1) Où et quand se déroule la scène ? Citez le texte précisément pour répondre. (0,5 point)
La scène se déroule à la campagne dans le « petit village de Rünenberg » près de Bâle, en Suisse le « 6 mai 1834 ».

2) « la fontaine polychrome » (1er paragraphe) (1 point)
a) Proposez une définition du mot « polychrome »
Polychrome : qui est composé de plusieurs couleurs.

b) Donnez deux autres mots, l'un construit avec le même préfixe, l'autre avec le même radical.
- Même préfixe : polyglotte / polygame / polyvalent
- Même radical : chromatique / monochrome

3) « La façade historiées des maisons » (1er paragraphe) (1 point)
Relevez les expansions présentes dans ce groupe nominal. Précisez leur fonction.
- « historiées » : épithète du nom « façade »
- « des maisons » : complément du nom « façade »

4) « Les vauriens du pays entouraient un petit Savoyard qui tournait la manivelle de son orgue de Sainte-Croix, et les mioches avaient peur de la marmotte émoustillée qui venait de mordre l'un d'eux. Un chien noir pissait contre l'une des quatre bornes qui encadraient la fontaine polychrome. Les derniers rayons du jour éclairaient la façade historiée[1] des maisons. Les fumées montaient tout droit dans l'air pur du soir. Une carriole grinçait au loin dans la plaine. »
Comment s'organise la description dans ce passage ? Justifiez votre réponse. (1 point)
Dans ce passage la vision s'élargit progressivement : on passe d'une scène de rue - les « mioches », le « chien » - aux façades des maisons puis au ciel dans lequel « les fumées montaient ». On passe également des « quatre bornes qui encadraient [sa] fontaine » du village à l'ensemble de la « plaine ».

5) Quelles impressions se dégagent de la description des lieux ? Justifiez votre réponse. (1 point)
Le village semble paisible et sans histoire. Il ne s'y déroule que des événements ordinaires : des enfants qui jouent, un chien qui urine, les fumées qui montent dans le ciel, une carriole qui grince...


II. Un étranger (4,5 points)

6) a) Quel élément bouleverse le quotidien des villageois ? (0.5 point)
C'est « l'arrivée d'un étranger » qui bouleverse soudain le quotidien des villageois.

b) « Ces paisibles campagnards bâlois furent tout à coup mis en émoi par l'arrivée d'un étranger. Même en plein jour, un étranger est quelque chose de rare dans ce petit village de Rünenberg ; mais que dire d'un étranger qui s'amène à une heure indue, le soir, si tard, juste avant le coucher du soleil ? »
Relevez dans ce passage deux indices grammaticaux qui soulignent ce changement. (0.5 point)
Ce bouleversement est aussi souligné par le changement des temps grammaticaux. Le narrateur passe de l'imparfait (description, arrière plan, action dans son déroulement, dans sa durée) au passé simple (« furent mis »: passé simple passif) : il s'agit à présent de parler d'un fait unique dans le passé. Les compléments circonstanciels de temps soulignent également le caractère exceptionnel de cet événement : « même en plein jour », « à une heure indue », « le soir, si tard », « juste avant le coucher du soleil ».

c) « Même en plein jour, un étranger est quelque chose de rare dans ce petit village de Rünenberg » . (au début du 2ème paragraphe)
Quelle est la valeur du présent dans cette phrase ? (0.5 point)
L'auteur utilise ici un présent de vérité générale.

7) « Celui-ci f.[...] avait demandé qu'on veuille bien lui indiquer l'habitation du syndic de la commune » (2ème paragraphe)
a) À quel type de discours ces paroles sont-elles rapportées ? (0,5 point)
Ces paroles sont rapportées au discours indirect.

b) Réécrivez les paroles de l'étranger telles qu'il les a prononcées. (1 point)
Voulez-vous bien m'indiquer l'habitation du syndic de la commune ?

8) a) Relevez dans les deux derniers paragraphes quatre éléments du portrait de l'étranger. (1 point)
L'étranger est « un homme grand, maigre, au visage prématurément flétri. D'étranges cheveux d'un jaune filasse sort[ent] de dessous un chapeau à boucle d'argent. Ses souliers [sont] cloutés. Il [a] une grosse épine à la main ». Il porte une « redingote » à « coupe raide » et un « faux col à hautes pointes » lui « sciait le bas des oreilles ».

b) Quel est l'effet produit par cette description ? (0,5 point)
Un certain mystère se dégage de cet homme. Il semble appartenir à un autre monde (« boucle d'argent », « redingote »). Avec son visage « prématurément flétri », il a l'air d'un homme qui a beaucoup vécu, peut-être beaucoup voyagé.


III. Les réactions des villageois (6 points)

9) « Même en plein jour, un étranger est quelque chose de rare dans ce petit village de Rünenberg; mais que dire d'un étranger qui s'amène à une heure indue, le soir, si tard, juste avant le coucher du soleil ? Le chien noir resta la patte en l'air et les vieilles femmes laissèrent choir leur ouvrage. L'étranger venait de déboucher par la route de Soleure. Les enfants s'étaient d'abord portés à sa rencontre, puis ils s'étaient arrêtés, indécis. Quant au groupe des buveurs, « Au Sauvage », ils avaient cessé de boire et observaient l'étranger par en dessous. Celui-ci s'était arrêté à la première maison du pays et avait demandé qu'on veuille bien lui indiquer l'habitation du syndic de la commune ».
Dans ce passage, quelle est la conséquence immédiate de l'arrivée de l'étranger, pour les villageois ? Justifiez votre réponse en citant précisément le texte. (1 point)
Quand l'étranger arrive, le village se fige. Le temps semble s'arrêter. Les vieilles femmes abandonnent leur ouvrage, les enfant s'arrêtent, les buveurs cessent de boire.

10) « Ces étrangers, ils ne saluent personne » (ligne 22)
a) Quelle est la particularité de la construction de cette phrase ? (0.5 point)
C'est une phrase emphatique. L'expression « ces étrangers » est soulignée. (La forme neutre aurait donné : « Les étrangers ne saluent personne » )

b) Que révèle-t-elle sur l'état d'esprit de l'aubergiste ? (0.5 point)
Cette phrase révèle l'hostilité que l'aubergiste éprouve à l'encontre des étrangers. Il est xénophobe. L'emphase souligne un peu plus encore son mépris.

11) « rougissantes, émues » (dernier paragraphe)
Pourquoi les jeunes filles réagissent-elles de cette façon ? (0.5 point)
L'étranger fait une forte impression car il semble appartenir à un autre monde (« moi, je vous dis qu'il vient de la ville ») , peut-être une autre classe sociale, c'est ce qu'elles devinent en voyant ses vêtements. Elles n'ont pas l'habitude de voir des étrangers et encore moins des gens de ce milieu. Elles sont excitées par la nouveauté.

12) « Les gars, eux, faisaient un groupe menaçant auprès de la fontaine ; ils attendaient les événements, prêts à intervenir. » (fin du dernier paragraphe)
a) Relevez les propositions de cette phrase, donnez leur nature et précisez comment la phrase est construite. (1 point)
[Les gars, eux, faisaient un groupe menaçant auprès de la fontaine] ; [ils attendaient les événements, prêts à intervenir].
Ce sont deux propositions indépendantes juxtaposées

b) Pourquoi et comment sont-ils « prêts à intervenir » ? (1 point)
Ils se sentent menacés par la présence de l'étranger qu'ils considèrent peut-être aussi comme un concurrent auprès des jeunes filles. Ils sont prêts à intervenir physiquement, peut-être pour le frapper et à le chasser.

13) En vous appuyant sur vos réponses précédentes, expliquez pourquoi le nom du bar des buveurs est particuliérement bien choisi. (1.5 point)
Le nom du bar - « Au sauvage » - est particulièrement bien choisi car l'aubergiste et ses clients ne semblent pas très civilisés. Ce sont des ivrognes brutaux et xénophobes.


La réécriture (4 points)

Réécrivez ce passage en mettant le verbe « resta » au présent de l’indicatif en effectuant toutes les modifications nécessaires entrainées par ce changement :
« Le chien noir resta la patte en l'air et les vieilles femmes laissèrent choir leur ouvrage. L'étranger venait de déboucher par la route de Soleure. Les enfants s'étaient d'abord portés à sa rencontre, puis ils s'étaient arrêtés, indécis. Quant au groupe des buveurs, « Au Sauvage », ils avaient cessé de boire et observaient l'étranger par en dessous. Celui-ci s'était arrêté à la première maison du pays [...].
« Le chien noir reste la patte en l'air et les vieilles femmes laissent choir leur ouvrage. L'étranger vient de déboucher par la route de Soleure. Les enfants se sont d'abord portés à sa rencontre, puis ils se sont arrêtés, indécis. Quant au groupe des buveurs, « Au Sauvage », ils ont cessé de boire et observent l'étranger par en dessous. Celui-ci s'est arrêté à la première maison du pays [...].


La dictée

Cette brusque apparition et ce départ précipité bouleversaient ces paisibles villageois. L'enfant s'était mis à pleurer. La pièce d'argent que l'étranger lui avait donnée circulait de main en main. Des discussions s'élevaient. L'aubergiste était parmi les plus violents. ll était outré que l'étranger n'ait même point daigné s'arrêter un moment chez lui pour vider un cruchon.

Blaise Cendrars, L’0r, 1925.


La rédaction

Racontez à votre tour l'arrivée d'une personne nouvelle au sein d'un groupe, dans un lieu qui lui est inconnu.

Votre narration comprendra une description des lieux et des personnages, et vous mettrez en valeur les réactions et les sentiments de chacun.

Rédigez ce texte en respectant les règles de l'orthographe et la grammaire française.

Critères d'évaluation :
- le récit pourra être rédigé à la première ou à la troisième personne.
- il exprimera des réactions et des sentiments.
- il sera tenu compte de la correction de l'orthographe et du respect des règles grammaticales.