Brevet 2012 - Corrigé de l'épreuve de français

Le texte - Les questions - La réécriture - La dictée - La rédaction

 

Le texte

Il était une fois un calife d’Ispahan qui avait perdu son cuisinier. Il ordonna donc à son intendant de se mettre en quête d’un nouveau chef digne de remplir les fonctions de chef des cuisines du palais. Les jours passèrent. Le calife s’impatienta et convoqua son intendant.

- Alors ? As-tu trouvé l’homme qu’il nous faut ?

- Seigneur, je suis bien embarrassé, répondit l’intendant. Car je n’ai pas trouvé un cuisinier, mais deux tout à fait dignes de remplir ces hautes fonctions, et je ne sais comment les départager.

- Qu’à cela ne tienne, dit le calife, je m’en charge. Dimanche prochain, l’un de ces deux hommes désignés par le sort nous fera festoyer, la cour et moi-même. Le dimanche suivant, ce sera au tour de l’autre. A la fin de ce second repas, je désignerai le vainqueur de cette plaisante compétition.

Ainsi fut fait. Le premier dimanche, le cuisinier désigné par le sort se chargea du déjeuner de la cour. Tout le monde attendait avec la plus gourmande curiosité ce qui allait être servi. Or la finesse, l’originalité, la richesse et la succulence des plats qui se succédèrent sur la table dépassèrent toute attente. L’enthousiasme des convives était tel qu’ils pressaient le calife de nommer sans plus attendre chef des cuisines du palais l’auteur de ce festin incomparable. Qule besoin avait-on d’une autre expérience ? Mais le calife demeura inébranlable. “Attendons dimanche, dit-il, et laissons sa chance à l’autre concurrent.” Une semaine passa, et toute la cour se retourna autour de la même table pour goûter le chef-d’oeuvre du second cuisinier. L’impatience était vive, mais le souvenir délectable du festin précédent créait une prévention[1] contre lui. Grande fut la surprise générale quand le premier plat arriva sur la table : c’était le même que le premier plat du premier banquet. Aussi fin, original, riche et succulent, mais identique. Il y eut des rires et des murmures quand le deuxième plat s’avéra à son tour reproduire fidèlement le deuxième plat du premier banquet. Mais ensuite un silence consterné pesa sur les convives, lorsqu’il apparut que les plats suivants étaient eux aussi les mêmes que ceux du dimanche précédent. Il fallait se rendre à l’évidence : le second cuisinier imitait point par point son concurrent. Or chacun savait que le calife était un tyran ombrageux[2], et qu’il ne tolérait pas que quiconque se moquât de lui, un cuisinier moins qu’un autre, et la cour entière attendait épouvantée, en jetant vers lui des regards furtifs, la colère dont il allait foudroyer d’un instant à l’autre le fauteur [3] de cette misérable farce. Mais le calife mangeait imperturbablement.

Michel TOURNIER - Les Deux Banquet ou la commémoration, Gallimard, 1989.

[1] prévention : idée négative
[2] ombrageux : qui se vexe facilement
[3] fauteur : responsable


Les questions (15 points)

I. « Il était une fois... » 5,5 points

1. A quel genre appartient ce réçit ? Justifiez votre réponse en donnant au moins trois indices. (1,5 point)
Ce récit est un conte. La trame est simple. L'action se déroule dans une époque indéfinie ("Il était une fois"), les lieux ne sont pas précisément localisés ("un palais à Ispahan"), les personnages sont des archétypes (utilisation de l'article indéfini "un" : "un calife"), leur nom n'a pas d'importance ("son indendant", "son cuisinier"). C'est un récit de fiction à la manière des contes orientaux comme "Les Contes des mille et une nuits" qui s'inspire peut-être aussi des fictions orientalisantes du XVIIIème siècle comme Les lettres persanes.

2. a) Pourquoi le calife décide-t-il d'organiser une compétition ? (0,5 point)
Il décide d'organiser une compétition pour choisir un nouveau chef pour les cuisines du palais.
b) En quoi consiste-t-elle ? (0,5 point)
Il s'agit d'un concours de cuisine. Le gagnant sera le cuisinier qui préparera le meilleur repas.

3. Citez trois traits de caractère du calife évoqués dans le texte. Justifiez chacune de vos réponses à l'aide d'indices précis. (1,5 point)
Il est autoritaire (il "ordonne"), "impatient", peu "tolérant" c'est un "tyran ombrageux" qui sème "l'épouvante". Il est froid et sait dissimuler ses sentiments : reste inébranlable, "imperturbable".

4. « Quel besoin avait-on d'une autre expérience ? » (ligne 18)
a) Qui parle et dans quel but? (1 point)
Ce sont les convives (les membres de la cour) qui parlent. Ils estiment qu'on a trouvé le bon candidat et ils cherchent à convaincre le calife de cesser la compétition.
b) Comment ces paroles sont-elles rapportées ? (0,5 point)
Ces paroles sont rapportées au discours indirect libre.

II. Deux banquets 5 points

5. a) Comment est formé le mot « incomparable » (ligne 18) ? (0,5 point)
Ce mot est formé du préfixe privatif (négatif) "IN", du radical COMPAR (comparer / comparaison) et du suffixe "ABLE" qui fait de ce mot un adjectif qualificatif.

b) Expliquez sa signification en vous appuyant sur d'autres éléments des lignes 15 à 18. (0,5 point)
Sa signification est qui ne peut être comparé du fait de sa « finesse », son « originalité », sa « richesse » et de sa « succulence ». Ce « festin » dépasse « toute attente ».

6. Pourquoi, avant le début du second repas, le second cuisinier est-il dans une position moins favorable que le premier '? (1 point)
Le second cuisinier a une position moins favorable car le premier cuisinier a plu aux convives qui voulaient le choisir. Il va devoir faire mieux que le premier.

7. a) « La finesse, l'originalité, la richesse et la succulence des plats » (ligne 15) : quelle figure de style est ici employée et dans quelle intention ? (1 point)
La figure de style est l'énumération dans l'intention de décrire le festin de manière hyperbolique (gradation) et de montrer la richesse de ce festion en multipliant les caractéristiques.
b) Relevez une série d'adjectifs qualifiant un plat du deuxième repas. Que constatez-vous ? (1 point)
« fin, original, riche est succulent ». Nous constatons qu'il s'agit des mêmes qualificatifs que pour le premier banquet (mots de la même famille et dans le même ordre).

8. Le second banquet joue-t-il le rôle attendu ? Justifiez votre réponse. (1 point)
Non, le second banquet ne joue pas le rôle attendu. Tout le monde est étonné car il est identique au premier.

III. Réactions des convives et du calife (4,5 points)

9. Quelles sont les trois réactions successives des convives durant le second repas ? Justifiez vos réponses. (1,5 point)
Les trois réactions sont la surprise / l'étonnement, la bonne humeur (« rires et murmures ») et la consternation (« silence consterné »).

10. Comment le texte présente-t-il le châtiment du second cuisinier comme inévitable ? (0,5 point)
Le texte présente le châtiment du second cuisinier comme inévitable en utilisant le point de vue de la cour et la connaissance qu'elle a du tyran « chacun savait », ils « attendaient épouvantés »…

11. En quoi l'attitude du calife est-elle étonnante à la fin du texte ? (1 point)
L'attitude du calife est étonnante car elle ne correspond pas à l'attente du lecteur. On s'attend à ce qu'il s'énerve alors qu'il reste imperturbable.

12. Cette « compétition » se révèle-t-elle si « plaisante » qu'elle promettait de i l'être (ligne 12) ? Expliquez votre réponse. (1,5 point)
Au début du texte cette compétition est effectivement plaisante du fait de la « finesse, originalité, richesse et succulence » du premier « festin » ; Mais lors du deuxième banquet les convives sont épouvantés.


La réécriture

"Grande fut la surprise générale quand le premier plat arriva sur la table, aussi fin, original, riche et succulent."
Réécrivez cette phrase en la transformant au passé composé et en mettant "plat" au pluriel.

"Grande a été la surprise générale quand les premiers plats sont arrivés sur la table, aussi fins, originaux, riches et succulents."


La dictée

Puis, une clameur s'éleva, où l'on distinguait les voix aiguës et les sauts de joie des enfants. Et il y eut une rentrée triomphale : Gervaise portait l'oie, les bras raidis, la face suante, épanouie dans un large rire silencieux ; les femmes marchaient derrière elle, riaient comme elle ; tandis que Nana, tout au bout, les yeux démesurément ouverts, se haussait pour voir. Quand, l'oie fut sur la table, énorme, dorée, ruisselante de jus, on ne l'attaqua pas tout de suite.

Emile Zola, L'Assommoir (1877)

Ecrire au tableau : aiguës (ancienne orthographe), Gervaise, l'oie, Nana


La rédaction

A la fin du repas, le calife fait venir les deux cuisiniers devant la cour et demande au second cuisinier de s’expliquer. Après l’avoir écouté, le calife annonce sa décision et la justifie.

Racontez cette scène en introduisant dans le récit les paroles échangées et en décrivant les réactions des différents personnages présents.

    Lorsqu'il eut consommé l'ultime plat, le calife se leva et ordonna d'un geste au second cuisinier d'approcher. L'homme, un petit être malingre et sans éclat, s'avança en baissant les yeux et salua d'une série de petites révérences grotesques.

     - Avant que je ne te fasse trancher la tête, je te somme de t'expliquer, lança le maitre d'une voix grave. Le cuisinier se racla la gorge, tourna sa toque dans ses mains, puis, levant les yeux vers son interlocuteur, il lui tint le discours suivant :

     «Vénérable calife, lumière d'Ispahan, dans ton infinie sagesse tu as voulu savoir lequel de nous deux était le plus capable de te régaler. Le festin que mon honorable confrère t'a réjoui au plus haut point, tous y ont vu un sommet indépassable, un absolu au delà duquel il n'y a plus rien. »

     Il marqua une pause, puis lança, se tournant vers l'assemblée :

     « Mais je suis meilleur que lui... Tout ce que celui-ci sait faire, je sais le faire également, je l'ai démontré, mais mon festin aura quelque chose de plus.» C'est alors qu'il sortit de son chapeau une petite chose rouge qu'il tendit au calife.

    - C'est une cerise, rien de plus ?

    - Non rien de plus, répondit le cuisinier.

    Le calife la goûta sans cérémonie :

    - Comment la trouves-tu, ô étoile de la Perse ?

    - Je trouve que... c'est une simple cerise !

    Une clameur monta dans la salle.

    - Quelle différence, reprit le petit homme, ne désignant son concurrent, entre le festin de celui-là et le mien ?... Une queue de cerise, voilà mon avance.

     Le calife sembla hésiter un instant, puis il se tourna le cuisinier :

    « Ce n'est pas la queue de cette cerise qui fera la différence, mais c'est tout de même toi que je choisirai. »

    Il y eut murmure d'étonnement dans l'assemblée. Le calife tendit l'index vers le premier :

    « Quant à toi, tu nous as régalé, et je t'en remercie. Nul n'aurait pu faire mieux que toi et je voudrais pouvoir vivre à nouveau mille fois ce festin. C'est pourquoi je choisis ton concurrent qui t'a si bien rendu hommage et qui saura commémorer ton talent pendant de longues années encore. Et comme je ne pourrais souffrir qu'un génie tel que toi se mette au service d'un autre, j'ordonne qu'on te tranche la tête. »

    Il en fut fait ainsi, et l'on en parla plus.